Le mot " sociétal " a envahi le vocabulaire de nos chers " politiques " depuis quelques années seulement ... avant il n'existait pas.

Ce néologisme n'a en fait ni histoire ni modèle de référence, il est un pur produit de l'esprit dit " moderne " pour avoir l'air profond et séduire les auditoires grandissants, aimant les idéologies les plus diverses.

Il pourrait plus ou moins signifier " relatif aux différents aspects de la vie sociale en groupes organisés " ... Il a donc rapidement fait les choux gras des politiciens qui aujourd'hui préfèrent discourir sur le " sociétal " ( et pourquoi pas le " sociétique "...) plutôt que de parler concrètement des vraies questions sociales !

Car le social, lui, n'est pas une simple analyse théorique ou une constatation liée à des comportements ou à leurs évolutions ... il est dans la réalité, dans l'action, il conserve toute la valeur relationnelle et interactive de ses origines, venues du latin " socius " qui veut dire  compagnon ( également " cum panem " celui avec lequel on partage le pain ), associé, allié.

Le social est lié à une redistribution concrète, la plus équitable possible, pour ne pas dire la plus " généreuse ", à partir de biens matériels produits par l'économie, par l'entreprise et le travail de chacun ...

" Faire " du social, " créer " du lien social indispensable ... on est là loin de théories fumeuses sur l'évolution des moeurs et des comportements de nos sociétés ...

Dans cette période de précarité et de difficultés financières pour le plus grand nombre, ainsi que de problèmes croissants d'insertion " sociale " pour une partie d'entre nous, notre jeunesse notamment, nos " politiques " devraient arrêter de nous endormir à longueur de discours sur le " sociétal " ... pour se concentrer sur l'essentiel de leur tâche  :

Orienter, améliorer et répartir au mieux, avec le plus de justice possible et dans tous les domaines essentiels, toute l'aide, tout le support " social " que nos concitoyens sont en droit d'attendre d'eux aujourd'hui ! ...

Francis Pont

23 juin 2014

Le sol était rouge. Les chenilles des tanks étaient rouges du sang des étudiants ... les larmes des enfants, des vieillards errants, des handicapés qui se traînaient, des prisonniers de la nuit, étaient rouges comme les drapeaux de la place, les gueules des fusils et des chars étaient rouges, mais le rouge à lèvres des jeunes femmes avait été essuyé et interdit ...

Le soir, la nuit et l'aube s'étaient imprégnés de la même couleur rouge sang.

A Pékin, à Dalian, à Nankin, le glacial Li Peng avait fait écraser la jeunesse et ses rêves de liberté.

Ce soir, 25 ans après, le talentueux Ma Desheng nous lit d'une voix magnifique et déchirante, de sa chaise d'handicapé rescapé de Tian'anmen, les poèmes des élégies de Liu Xiaobo, écrivain à l'immense talent et militant acharné des Droits de l'Homme, victime de la plus aveugle répression dans son pays ...

TIAN'ANMEN un 4 juin: La Chine n'est pas si loin de nous qu'on le pense ... D'autres nuits, d'autres larmes, d'autres sols, d'autres places sont rouges, qu'elles s'appellent Tahrir, Taksim ou Maïdan, ou qu'elles soient encore en Syrie, en Libye, en Irak ...

D'autres Li Peng continuent à nous guetter aux frontières de l'Europe ... et aujourd'hui peut-être plus près encore ...

Francis Pont

4 juin 2014

Pour " Gabo "...  surtout pas ici d'éloges funèbres et pas non plus de " Chronique d'une mort annoncée ", mais son  départ va laisser au roman latino-américain, et bien sûr à nous tous, au moins " Cent ans de solitude " !...

Alors, de son oeuvre immense, magnifique de solitude romanesque et de " réalisme magique ", deux phrases à simple hauteur d'homme qui, à mes yeux, valent probablement tous les prix Nobel et toutes les reconnaissances posthumes :

" Seule la poésie est extralucide ... "

" Tout le monde veut vivre au sommet de la montagne, sans soupçonner que le vrai bonheur est dans la manière de gravir la pente ... ".

Francis Pont

18 avril 2014

Dans sa très belle chanson " Russians ", Sting a cette phrase à la fois forte et émouvante " I hope the Russians love their children too " et, à la fin, vient le thème envoûtant de la Suite d'Orchestre du " Lieutenant Kijé " de Prokofiev ... mélodie magnifique empruntée à la chanson populaire de la Russie profonde et à la nouvelle de " La colombe grise gémit " de Iouri Tynianov.

Nous avons tous, grâce à Prokofiev et maintenant à Sting, cet air de légende dans la tête, venu du fond de l'âme et de l'histoire russes ...

Si au cinéma la musique permet de sublimer les moments les plus forts, aux heures de la réalité crue de la misère, de l'oppression et de la guerre ... cette même musique est toujours absente et seuls les sanglots percent le silence.

Alors aujourd'hui, dans l'actualité d'une Russie qui pousse à nouveau ses avant-postes au-delà de la Crimée, vers l'Ukraine et jusqu'au seuil de notre Europe " aux anciens parapets " comme l'écrivait le poète, écoutons ces chants d'un plaidoyer pour plus d'humanité et de fraternité ... qui vont bien au-delà des frontières tracées par l'homme.

" J'espère que les Russes aiment aussi leurs enfants ... "

Francis Pont

29 Mars 2014

Elle écrivait dans " Le diable est-il libéral ? "

"... L'humanité se compose de deux minuscules minorités : celle des brutes féroces, des traîtres, des sadiques systématiques d'une part, et de l'autre celle des hommes de grand courage et de grand désintéressement qui mettent leur pouvoir, s'ils en ont, au service du bien ..."

Germaine Tillion a été toute sa vie, naturellement, de cette seconde minorité, encore plus rare !.

Mais elle rajoutait aussi "... Entre les deux extrêmes, l'immense majorité d'entre nous est composée de gens ordinaires, inoffensifs en temps de paix et de prospérité, se révélant dangereux à la moindre crise ... ".

Dans la période troublée que nous traversons à nouveau aujourd'hui, cette dernière phrase ne peut que nous interpeller !

Ethnologue brillante au service des populations déshéritées et opprimées, notamment celles du Sud algérien où elle a maintes fois séjourné en aidant les plus faibles , luttant également pour la défense des femmes dans les sociétés méditerranéennes du Moyen-Orient, femme de Lettres engagée dès la première heure dans la Résistance, dénonçant à la fois les camps nazis - " l'incarnation du mal " - et soviétiques, déportée au camp de Ravensbrück, où son abnégation et son courage lui permettront d'écrire en captivité et de témoigner sur les conditions extrêmes de l'univers concentrationnaire à travers l'inimaginable opérette " Le Verfügbar aux enfers ", Germaine Tillion dira, dans son livre " Ravensbrück 1944 " : " ... Si j'ai survécu, je le dois d'abord et à coup sûr au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin, à une coalition de l'amitié, car j'avais perdu le désir viscéral de vivre ... ".

Durant toute son existence, elle n'aura cessé d'être " l'avocat " s'opposant au terrorisme, aux exécutions et à la torture où qu'elles s'exercent, et à la misère ... pas " avocat " disait-elle, " l'avocat défend une personne, l'ethnologue ne défend pas un seul homme mais une population " ... et elle ajoutait : 

" L'asservissement ne dégrade pas seulement l'être qui en est victime, mais celui qui en bénéficie "  - Le Harem et les cousins - 

C'est à Saint-Mandé, jusqu'au 18 avril 2008, tout à côté de nous qui pour beaucoup l'ignorions, que Germaine Tillion a connu la tranquillité d'une fin de vie entièrement passée à chercher à comprendre, aider et soulager les autres.

Aujourd'hui, ce sont les portes du Panthéon qui s'ouvrent à elle ...

Francis PONT

21 février 2014